Un hallucinant projet de complot au sein de la Franc-Maçonnerie Française dévoilé !!!
- guillaumemichel202
- 25 nov. 2024
- 8 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 déc. 2024
Dans les archives de Camille Savoire, on a retrouvé des lettres de Marius Lepage.
Dans l’une d’elle, Marius Lepage dévoile son plan secret pour noyauter la Franc-Maçonnerie Française, grâce à une « super Maçonnerie » secrète, pour que la Franc-Maçonnerie devienne plus spiritualiste (promouvoir de travailler à la gloire du Grand Architecte de l’Univers, etc.)
Présentons rapidement les 2 protagonistes, puis affichons la fameuse lettre en question.
Marius Lepage (1902-1972) est chef de division à la préfecture de Laval. Anarchiste-socialiste en 1928, il devient ensuite anti-communiste. Il a raconté comment, ayant achevé la lecture du « Traité méthodique de science occulte » de Papus, il était allé se présenter au Vénérable Maître de la loge de sa ville en disant : « je veux être franc-maçon. » Il est initié en 1926 au Grand Orient de France à la Loge « Volney » (Laval), loge dont il sera Vénérable Maître de 1946 à 1963. Disciple d'Oswald Wirth, il lui succède à la direction de la Revue « Le Symbolisme » (1956-1968).
Camille Savoire (1869-1951) est médecin. Il se dira toujours libre-penseur tout en s'intéressant à l'occultisme. Il passe d'athée en 1920 à spiritualiste en 1930. Initié en 1892, il est Vénérable Maître de la Loge « L'Avant-Garde Maçonnique » (Grand Orient de France Paris 1899) et surtout il devient Souverain Grand Commandeur du Grand collège des rites du Grand Orient de France en 1923-1935. 33e. Il est le fondateur en 1935 du Grand Prieuré des Gaules. Il a également été un haut dignitaire au sein du Rite de Memphis Misraïm et membre du Chapitre martiniste « St André Apôtre ». Il déplore dans ses « Souvenirs » l'existence au Grand Orient de France « d'un dogmatisme matérialiste irraisonné stupidement athée ».
Voici la lettre qu’écrit Marius Lepage à Camille Savoire. On est juste après la fin de la seconde guerre mondiale :
« Je crois qu’il faut utiliser au mieux l’outil très imparfait qu’est actuellement la Maçonnerie française, dans ses deux Obédiences principales, quantitativement parlant, mais au sein de ce que le Frère Groussier appelait déplorablement, au cours d’une interview célèbre, une société "discrète" il faut que nous (souligné) formions une société "secrète" qui noyautera l’autre, et arrivera à la diriger de la meilleure façon qui soit, c'est-à-dire tout à fait occulte. […] J’envisage de mettre au point une sorte de super Maçonnerie, à l’insu des Obédiences que l’on peut qualifier d’exotériques. […] Comment peuvent s’organiser les Frères décidés à travailler effectivement. J’écarte tout de suite l’idée d’une coopération. Partant d’une tête à pleins pouvoirs, les membres doivent être appelés lorsque leur valeur a déjà pu être appréciée et leur discrétion reconnue. Point n’est besoin qu’ils soient nombreux, pourvu qu’ils soient sûrs. […] Je vois la restitution d’un rite régulier, groupant dans son sein tous les Frères décidés à travailler "à la gloire du Grand Architecte de l’Univers". Mais ce rite doit être fermé, les membres n’en point être connus au dehors, sauf le Comité Directeur, même et surtout des autres Obédiences. Ces membres ont la possibilité, je dirais presque l’invitation de s’incorporer dans une Obédience exotérique, mais à la condition de n’y entrer qu’avec l’idée bien précise de la noyauter, et l’ordre formel de ne point se révéler comme Membres de l’Obédience réellement secrète. Ainsi […] nous pourrons au bout de quelques années, pousser les autres Obédiences dans d’autres chemins que ceux par lesquels les ont guidés les mauvais bergers. […]
Si cette idée à votre agrément […] je pense que le rite rectifié remplit ces conditions. […] Il faudra bien que l’on sache que ce Rite existe, mais on n’en devra connaître ni les buts occultes, ni les membres, sauf quelques-uns chargés de la représentation extérieure. »
(Dominique Daffos et Patrick Hillion, Quatre grandes figures de l’écossisme, article : de l’originalité de la pensée de Camille Savoire. Actes du Colloque de la Société Française d’Études et de Recherches sur l’Écossisme (SFERE) du 14 avril 2007, p. 50.)
La source de cette lettre : le colloque organisé le 14 avril 2007 par la très sérieuse Société d'études et de recherches sur l'Ecossisme (SFERE), dont la vice-présidente est Irène Mainguy, responsable de la Bibliothèque du Grand Ortient de France, et dont les 2 auteurs sur Camille Savoire à ce colloque sont Dominique Daffos et Patrick Hillion, bibliothécaires du Centre de documentation et d’archives de la Grande Loge Traditionnelle et Symbolique Opéra.
On ne sait pas qu’elle fut la réponse de Camille Savoire. En tout cas, Marius Lepage est effectivement très actif dans l’orientation qu’il veut donner à la Franc-Maçonnerie.
Le 6 novembre 1946, dans une « Tenue blanche collective à laquelle participaient les Loges « Clémente Amitié », « Condorcet », « Emancipation », « Patriam Recuperare » du Grand Orient de France, et la Loge « Georges Martin » du Droit humain, Marius Lepage y parla de « la Franc-Maçonnerie devant le monde moderne ».
« L’assistance était fort nombreuse. […] Selon Marius Lepage, La Franc-Maçonnerie a trois aspects : moral, métaphysique et mystique. Le Franc-Maçon doit fondre son individualité dans l’Adam-Kadmon de la Kabbale. […] Le Monde moderne, à la fin du Kali-Yuga, de cet âge noir qui est le nôtre. » (La Chaîne d’Union, n°3 décembre 1946-1947, p. 127.)
On y voit les références à René Guénon, « devant le monde moderne » fait référence à l’ouvrage « La Crise du Monde Moderne » de Guénon. Et le « Kali-Yuga », qui est le quatrième et actuel âge de la cosmogonie hindoue, dont Guénon parle dans son premier chapitre de « La Crise du Monde Moderne ».
Marius Lepage est rapporteur lors du Convent du GODF de 1952, sur la « formation et l’éducation initiatique des maçons et spécialement des jeunes ». Voici quelques extraits :
« Nombreux sont les Ateliers qui, à la suite d’éminents Maçons (René Guénon), ont parlé de La Crise du Monde Moderne. […]
Les Maçons refusent de balayer devant leur propre porte, ils manifestent une bonne volonté aussi évidente que profondément égocentrique à vouloir balayer le seuil de leurs voisins. Ils oublient ainsi le précepte de l’Imitation de Jésus-Christ : Nous aimons que les autres soient exempts de défauts, et nous ne corrigeons pas les nôtres (L’Imitation de Jésus-Christ, Livre I, Chapitre 16-2). […]
La FM est initiatique, sous une forme très particulière, car c’est une initiation collective s’appliquant à des individus. Il faut un nombre déterminé de Frères assistant et participant à la cérémonie d’initiation pour que la consécration du VM soit valable. Le Travail en Atelier est seul susceptible d’amener le Maçon à la réalisation intégrale des virtualités déposées en lui par l’acte consécratoire, transmetteur de l’esprit de l’Ordre. […]
Mais, l’éducateur spirituel du Maçon, c’est le Grand Expert, intermédiaire entre les officiers de la Loge, c’est aussi l’intermédiaire entre les Frères et l’esprit de l’ordre agissant dans le Temple. Placé sous le signe astrologique de Mercure, c’est l’Hermès psychopompe, guidant les âmes des Frères à travers les dédales de la vie spirituelle. C’est lui qui enseigne les mots, signes et attouchements grâce auxquels on reconnait un Maçon, non seulement physiquement, mais surtout en esprit. […]
La Maçonnerie soit s’élever au-dessus des contingences profanes, et justifier pleinement les condamnations théologiques portées contre nous, qui sont d’ordre spirituel et ne peuvent que nous honorer. Nos devanciers - les Gnostiques, Cathares et Albigeois, Templiers et Rose-Croix - ont été écrasés temporellement. Ils ont pourtant gagné la bataille, car ils vivent toujours spirituellement en nous, et nous inspirent. Ils sont en nous, et nous devons nous en montrer les dignes successeurs. » (Compte rendu aux Ateliers de la Fédération des Travaux de l’Assemblée générale du GODF, du 15 au 18 septembre 1952, p. 46-51.)
André Combes commente : « Un langage inhabituel dans le temple du Grand Orient de France de la rue Cadet, mais ne suscitant pas de débat contradictoire. » (André Combes, 1914-1968 : La FM cœur battant de la République, Editions Dervy, 2018, p. 220.)
Alec Mellor nous en apprend des bonnes à propos de Lepage :
« Il en est pour qui les francs-maçons feraient de la magie cérémonielle sans le savoir, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose. Tout le rituel serait théurgique et les véritables initiés, fort rares, seraient ceux qui en pratiqueraient les rites de manière consciente. Les autres déclencheraient à leur insu des forces redoutables, d'où telles prescriptions du Rituel qui seraient des gestes de protection, occultement efficaces. Un Marius Lepage avait fait une part à pareille conception. » (Alec Mellor, Les Grands problèmes de la FM aujourd'hui, Belfond, 1976, p. 152.)
Marius Lepage, en réaction contre un article d’un franc-maçon qui faisait la distinction entre astronomie et astrologie et qui dénonçait l’astrologie comme une arnaque, réplique dans une tribune libre : « Pour ma part, je pratique l’astrologie depuis 40 ans, et, bon gré mal gré, il me faut reconnaitre qu’elle apporte beaucoup d’éléments intéressants. » (Revue Pax, janvier-février 1963, p. 27.)
Avec l'accord de ses supérieurs de la Compagnie de Jésus et de l'évêque du lieu, Mgr Rousseau, le Révérend Père Riquet est reçu le 18 mars 1961, « sous la voûte d’acier et maillets battants », pour une conférence sur [contre] l’athéisme à la Loge « Volney » (GODF Laval), sur invitation du Vénérable Maître Marius Lepage.
Cela « est contraire aux usages, ces honneurs étant réservés aux dignitaires maçons, et le Convent de 1947 a interdit toute tenue blanche fermée, mais la mesure n’est pas appliquée et un Conseiller de l’Ordre a donné son autorisation. Deux congrès régionaux demandent des sanctions et des loges s’émeuvent. Au Convent de 1961, la loge de Draguignan pose la question : le Vatican autoriserait-il un franc-maçon à prendre la parole en chaire dans une église et le recevrait-il avec les mêmes honneurs ? La Loge La Justice parle de manifestation clérico-maçonnique, d’autres y voient une manœuvre de frères fortement imprégnés des dogmes. La justice maçonnique est saisie et un ordre du jour met fin au débat. Lepage, acquitté par le jury régional de l’Ouest, est définitivement blanchi en décembre. » (André Combes, 1914-1968 : La FM cœur battant de la République, Editions Dervy, 2018, p. 113.)
Autre infraction à la règle maçonnique, Marius Lepage « avait toléré la présence d’un second invité, M. Mellor, dans une Tenue blanche Fermée qui n’aurait dû être ouverte qu’à un seul profane. […] Lepage, en sa qualité de Vénérable Maître, est d’abord suspendu, puis traduit devant la chambre Suprême et absous. Mais plusieurs membres du Conseil de l’Ordre n’acceptent pas l’acquittement et obtiennent de nouvelles poursuites pour d’autres faits concernant un incident antérieur. Alors, découragé, Lepage donne au mois de mai 1963 sa démission du Grand Orient de France ». (Alain Guichard, Les Francs-Maçons, Grasset, 1969, p. 216.)
Lepage rejoint alors la Grande Loge Nationale Française.
Ses manœuvres sont-elles donc un échec ?
On pourrait dire qu’à court terme effectivement il a échoué, face à des Frères dont l’influence de l’Union Rationaliste est très présente à l’époque, mais qu’à long terme, au vu de la situation actuelle, il avait bien planté des graines dont les fruits aujourd’hui s’épanouissent.
Le fait qu’on retrouve souvent un martiniste, un spiritualiste, à la tête de la commission des rituels lors de Convent, ou bien qu’on les retrouve à s’occuper de la rubrique « notes de lecture » dans les revues maçonniques, ou bien le fait que les manuels de symbolisme soient écrits par eux, est-ce juste le fruit de leur passion pour ce domaine ou dans un but volontaire en vue d’une fin bien précise ?
Nous n'aimons pas personnellement les explications complotistes. On explique rationnellement plutôt par la première proposition : ainsi, bien souvent, dans les convents du Grand Orient de France, celui qui dirigeait la Commission sur la Laïcité était membre de la Libre-Pensée, qui considérait cette question comme primordiale et comme cheval de bataille principal. Mais délaissant ainsi la Commission sur les Rituels et le symbolisme, laissant ainsi la place aux spiritualistes (martinistes, guénoniens ou autre), qui en prennent la direction et peuvent donc influer le Grand Orient de France sur cette question dans leur sens, faisant ainsi évoluer petit à petit le Grand Orient de France dans leur sens spiritualiste.
Donc pas de complot pour expliquer la situation. Mais l’apparition de cette lettre de Lepage permet du coup de complexifier la chose et de décaler un peu le curseur vers la deuxième proposition. Le débat est ouvert.
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